Solidarité donc avec la Ville d’Amatrice à travers l’initiative de soutien lancée ce 25 août par le fondateur du Mouvement Slow Food, Carlo Petrini. Extrait de l’interview de celui-ci parue dans le GaultMillau Vert 2016-2017.
« Il y a trente ans vous avez créé Slow Food. Etiez-vous déjà un visionnaire qui anticipait les problèmes que connaît notre planète aujourd’hui ?
Les thématiques approchées par Slow Food ont changé et grandi, étape par étape, avec le mouvement. Au début, on était seulement concentré sur la défense du plaisir, dans le contexte de la bonne nourriture. Ce point de départ nous a amené à des considérations plus importantes sur la façon dont la nourriture a été produite, traitée, commercialisée et consommée et c’est là que nous avons réalisé que le système alimentaire était traité de manière différente. Malheureusement pendant ce temps ces problèmes sont devenus de plus en plus évidents. Un éventail beaucoup plus large de la société civile a commencé à prendre soin des sujets liés à la production alimentaire durable et au mode de vie plus équilibré.
Quels étaient vos objectifs de l’époque ? Pensez-vous les avoir atteints ?
Je pense que pour une association comme Slow Food, l’objectif est constamment à l’horizon et que le mouvement est continu en sa direction. On a gagné quelques batailles, mais nous trouvons continuellement de nouveaux sujets d’intérêt, de nouveaux challenges qui requièrent la passion de cette entreprise internationale et de la société qu’elle représente.
Quelles sont vos plus grandes réussites ? Quels sont vos plus grandes déceptions ? Au niveau personnel, mais aussi et bien sûr, au niveau de Slow Food.
Je n’aime pas garder des traces de mes déceptions à l’esprit. Si l’on s’engage dans des batailles difficiles, il y aura des pauses, des problèmes qui devront être surmontés, des projets qui ne marcheront pas comme on l’avait prévu : Ça fait partie du jeu. De l’autre côté si vous me demandez quel a été notre plus grand succès, je répondrai « Terra Madre » et également l’Université des Sciences Gastronomiques. Je pense que Terra Madre est le cœur du mouvement, la réunion des communautés de la nourriture provenant des cinq continents qui nourrissent la planète avec leur travail quotidien tout en respectant Mère nature. Ensuite, évidemment l’Université des Sciences Gastronomiques qui nous permet d’atteindre des centaines de personnes qui ont commencé à étudier la gastronomie scientifique et holistique, en apportant une nouvelle énergie à l’ensemble du mouvement.
Slow Food a éveillé les consciences et alerté les gens sur les (trop) nombreuses dérives du secteur alimentaire. Mais Slow Food a aussi aidé à changer les habitudes et à mieux se comporter face à notre assiette. Quels sont ses combats aujourd’hui ?
Durant notre dernier congrès, nous avons pensé trois objectifs : réaliser 10.000 jardins en Afrique pour cataloguer 10.000 produits sur l’ « Ark du goût » et construire 10.000 hochements de tête sur notre réseau. Qu’est-ce que ça veut dire ? Quand on parle de jardin de légumes en Afrique, on ne se réfère pas seulement au jardin qui peut nourrir une communauté, une famille, une école. Mais à travers ce jardin, nous aimerions habiliter un réseau de leaders locaux qui peuvent garantir un développement endogène pour ce continent qui a souffert pendant trop longtemps.
Cataloguer 10.000 produits qui représentent la biodiversité gastronomique de la planète, ce qui nous permettra d’améliorer la conscience de soi des personnes qui peuvent visualiser le fait que la diversité gastronomique fait partie de l’expression de notre patrimoine culturel. En plus, nous aimerions que notre réseau grandisse. A travers nos activités locales, nous aimerions que plus de personnes acceptent de partager notre philosophie d’être actif, informé et de devenir des citoyens impliqués qui ont le pouvoir d’influencer les marchés et les politiques.
Que pensez-vous de ces initiatives, (trop) souvent privées ou venant de petits groupes de citoyens (et non de l’institutionnel), créées un peu partout pour sauver la planète ? Sont-elles efficaces ?
Je pense que ce sont des signes d’une citoyenneté qui veut être plus impliquée, c’est un bon signe. A travers les technologies actuelles, les personnes peuvent partager des idées, propositions, initiatives de manière rapide et je suppose que c’est une bon point participatif : les changements commencent toujours par le bas.
Que sera, d’après vous, notre alimentation de demain ? Les fruits et légumes auront-ils une place plus importante ?
Il y a beaucoup de projections intéressantes sur le futur de la nourriture, nous pensons aux nouvelles frontières, comme à l’entomophagie (ndlr : consommation d’insectes), par exemple. Je suis sûre que la consommation de viande sera réduite, dans le futur, c’est inévitable. La viande fournit un rapport trop déséquilibré de nutriments, ressources nécessaires à la production, et avec une population mondiale croissante, l’énorme quantité de produits d’origine animale consommée par le monde occidental est absolument contraire à l’éthique et non durable.
Quels sont les conseils que vous donnez à nos lecteurs pour sauvegarder leur bonne santé et celles de leurs enfants mais aussi la planète toute entière ?
On ne doit pas seulement repenser nos habitudes alimentaires, mais tout notre mode de vie. Nous devons être capables de trouver du temps pour cuisinier à partir de rien et être conscients au moment de choisir sa source quotidienne de nourriture. Cuisinier des matières premières de bonne qualité est le premier pas important à faire. »
Interview extraite du Guide GaultMillau Vert 2016-2017
Plus sur : www.slowfood.it