Dans la Province du Hainaut, à proximité de Beaumont et à l’orée de la frontière française, le Prieuré Saint-Géry orchestré par le Maître Cuisinier Vincent Gardinal, n’est autre qu’un petit paradis de délices et de dépaysement. Et si l’échappée épicurienne y est si belle, c’est bien grâce au talent et à l’exigence de ce chef-propriétaire maîtrisant à merveille l’art du – parfaitement – bien recevoir. Une belle histoire se déroule ici où table et passion valsent de concert au cœur de l’un des restaurants étoilés les plus romantiques du pays.
Rencontre avec ce Maître Cuisinier de Belgique, étoilé et plébiscité tout au long de l’année par les plus fins gourmets comme par les plus grands guides gastronomiques.
Très jeune vous aspiriez à devenir cuisinier. Comment votre passion pour ce métier est-elle née ?
Dans les années 60, je passais mes samedis chez mes grands-parents. Le midi, nous regardions l’une des premières émissions culinaires télévisées où le chef du Grand Véfour, Raymond Oliver, qui était une vraie star à l’époque, m’impressionnait énormément. Très tôt, j’ai ainsi eu envie de devenir, moi aussi, cuisinier. Etant gamin, je me disais que si je devenais cuisinier je pourrais passer à la Télé ! Mais, figurez-vous qu’aujourd’hui, je n’aime pas trop passer à la télévision, je n’aime pas beaucoup faire des photos ou être mis en avant dans les médias ! Parallèlement enfant, je partais souvent en vacances en France avec mes parents où on faisait étape dans de belles maisons. Mon père était un amateur de grandes tables et c’est ainsi que j’ai appris naturellement ce qu’était un bon restaurant.
Le secteur et votre profession vous paraissent-ils malmenés ?
Je ne veux vexer personne mais à mon niveau nous sommes, en quelque sorte, des « marginaux ». Il y a peu de très bons restaurants. Fatalement car les charges, les frais, les lois sociales, les matières premières coûtent très cher et deviennent inabordables pour beaucoup de restaurateurs. On n’entend jamais de bonne nouvelle pour le secteur et c’est inquiétant car ces mesures trop lourdes risquent d’amener l’industrialisation à outrance. On finira par voir les restaurateurs diminuer le personnel, acheter du « tout fait » et finir par diluer des poudres dans de l’eau ! Il ne faut pas se leurrer, cela se passe déjà dans certains cas ! D’ailleurs à l’heure actuelle, si l’on veut on trouve de tout « tout fait » sur le marché des fournisseurs industriels et les gens finissent par s’étonner de voir que dans notre type de maison, on fait toujours le pain nous-mêmes.
Votre politique d’achat est-elle toujours tournée vers des producteurs très locaux ?
Bien sûr, mais je pense qu’il faut avoir une démarche logique et raisonnable. J’estime qu’à l’heure actuelle et de plus en plus, il faut retourner le plus souvent possible chez de bons artisans car cela ne coûte pas spécialement plus cher. Je suis fidèle à mes fournisseurs locaux qui m’apportent des produits de première qualité. Et si l’on équilibre bien ses menus, cela ne coûtera pas plus cher. Il suffit d’utiliser des produits peu onéreux mais de première fraîcheur. Pour le lunch, par exemple, je peux faire un bon pâté en croûte, préparer un œuf de ferme très frais ou une belle épaule d’agneau que me fournit mon ami boucher, Pierre Molle. Il n’y a pas de « petits » produits, il n’y a que des produits de qualité d’ici ou de plus loin pour peu que l’on soit attentif à leur saison. Je pense qu’il faut avoir une démarche raisonnée ; travailler avec des produits du coin à partir du moment où ils sont très bons et, surtout, de saison. Eté comme hiver, avec de l’imagination il y a moyen de faire de très belles préparations pour peu que l’on fasse attention à l’origine des produits et que l’on prenne ceux qui sont soit locaux, soit venus d’ailleurs mais en fonction de leur saison.
Au restaurant, quand vous êtes client, qu’appréciez-vous le plus ?
De passer une bonne soirée avant tout, d’en garder un bon souvenir. J’apprécie que la cuisine soit bonne mais c’est aussi le moment de partage avec mes amis, les autres convives qui compte pour moi. L’atmosphère, le cadre, le service, le bien être que l’on ressent de l’ensemble de la soirée sont autant de facteurs qui contribueront à rendre ce moment mémorable. Je ne suis pas là pour juger, pour critiquer mes confrères mais pour me détendre, simplement passer un bon moment. C’est quand on veut tout décortiquer que l’on risque de s’auto-gâcher ce moment de détente. Par contre, si la technique m’impressionne, c’est un vrai « plus » que j’apprécie.
Que pensez-vous de ces chefs (français) qui rendent leur étoile ou qui changent de direction en ouvrant une brasserie ?
Pour des personnes qui ont eu des problèmes de santé comme Olivier Roellinger, je peux le comprendre. Pour des chefs comme Alain Senderens qui a eu trois étoiles et qui en rend une, je ne peux m’empêcher de penser qu’il en garde toujours deux ! Cependant, ces gens ont suffisamment prouvé ce qu’ils pouvaient faire et je crois qu’à ce stade, ils peuvent se le permettre. Donc je dirais, pourquoi pas, si ce système n’intéresse plus, chacun à le droit de changer. C’est humain. Le principal est de continuer à bien faire ce que l’on décide de faire, que ce soit du gastro ou de la brasserie. Il n’y a pas de honte à faire une croquette crevettes si on la fait bien et si elle est faite par un ancien étoilé, il n’y a aucun doute, je pense qu’elle sera bonne.
Petite question plus personnelle : vous avez la possibilité de cuisiner pour un personnage illustre, une personne qui vous est proche, voire pour un anonyme. Qui choisissez-vous ?
Il y a beaucoup de gens … tellement de personnalités qui m’impressionnent et avec lesquelles j’aimerais avoir un échange. Cela pourrait être un artiste. Je dirais, si c’était un peintre, ce serait Giacometti ; une actrice ce serait assurément Marylin Monroe qui était tellement touchante ou encore sur le plan plus philosophique, j’aimerais que ce soit Gandhi.
Quel est le chef que vous admirez le plus ?
Dans ceux qui ne sont plus là, c’est Alain Chapel. Il a marqué toute une génération, s’est débarrassé d’un carcan et a fait évoluer la cuisine de façon impressionnante. En matière de maître à penser, dans les contemporains, c’est Daniel Humm à New-York au Restaurant « Eleven Madison Park ». Il a un univers fascinant. Il y a aussi, dans les actuels, Gérald Passedat du « Petit Nice » à Marseille. Mais il y en a d’autres et je ne veux pas me cadenasser en n’en citant que deux ou trois.
Quel est le plat mémoire de votre enfance ?
C’est la pâtisserie en général. Ma mère en faisait pas mal, comme ma grand-mère et même mon arrière grand-mère que j’ai encore connue ou encore ma tante qui avait un énorme jardin avec un potager et un verger. Cela nous donnait des produits très frais et excellents. J’aimais beaucoup l’odeur de la pâtisserie qui cuit, le sucre, le riz au lait, les fraises à la crème fraîche venant de la ferme d’en face.
Que ne mangerez-vous jamais ?
Du cheval ! Je ne pourrais pas ; comme le chien ou le chat aussi d’ailleurs.
Par contre, vous vous damneriez pour … ?
Beaucoup de choses … je dirais que je ferais des kilomètres pour découvrir un chef. Pas pour manger quelque chose en particulier car j’aime tout mais je pourrais aller loin pour aller goûter la cuisine d’un – ou d’une – chef.
La cuisine est-elle un art ?
A mon sens, c’est simplement une histoire de cœur. Les choses deviennent passionnantes si l’on met son cœur dedans. Après c’est de la technique, car il en faut pour réussir ce que l’on fait. C’est un travail éphémère que l’on ne remet jamais sur le métier. Un photographe ou un peintre pourra retoucher son travail mais nous, en tant que cuisiniers, nous sommes des artisans et l’on ne rattrape pas un plat raté qui est déjà sur le « passe ». Et puis, nous travaillons en équipe et ce n’est jamais le travail d’un seul individu. La cuisine est un assemblage, un montage et chacun y participe. Par contre, au niveau de la conception d’un plat, on pourra recommencer et c’est là que se trouve l’art du cuisinier ; au niveau de sa créativité. Dans mon cas, je dessine tous mes plats. A ce stade, je peux effacer et recommencer mais toujours demander des avis autour de moi et ensuite aussi, être à l’écoute des clients.
Depuis peu, vous avez invité plusieurs femmes chefs notoires à venir interpréter des repas à 4 ou 6 mains. Est-ce une expérience que vous comptez rééditer ?
Oui bien sûr car, à chaque fois, j’ai été très heureux de partager mon fourneaux avec ces grands talents. Nous avons donc le projet de reproduire cela aussi souvent que possible. Il vous suffit de visiter notre site régulièrement pour en connaître les dates.
Qu’en est-il des producteurs locaux qui vous fournissent tout au long de l’année ? Pouvez-vous nous en indiquer l’un ou l’autre que vos clients peuvent aussi aller visiter ?
J’attache toujours énormément d’importance à ce qui se produit dans ma région et au talent qu’ont ces producteurs à effectuer un travail d’attention et de précision, bref de grande qualité dans la culture de leurs produits.
Pour le moment, si je dois vous donner deux producteurs, je vous conseillerais :
Les jardins du Lorroir (Cyrille Guiot).
Il s’agit d’un groupement de producteurs locaux, trés dynamiques. Ils ont une boutique, La Ferme du Tchapia où ils vendent une série de produit locaux en plus des légumes qui sont cultivés en partie à côté. Du pain, des produits laitiers au lait cru, des œufs…
La boutique est ouverte le vendredi et le samedi. Ils ont une page Facebook et un site où il est possible de passer commande.
Adresse : 1, rue Grand Thumas – 6470 Sivry
La chèvrerie de la Machine (Danny Bousseau).
Et là, en spécificité amusante mais réellement intéressante, les chèvres écoutent de la musique classique … !
Ouvert sur rendez-vous le dimanche à partir de 10 heures. Joindre Carole au 0478/741056.
Le lundi à partir de 14 heures.
Adresse : 25, rue de la Machine, 25 – 5600 Jamiolle