A nouvelle année, nouveaux chefs, ici, invités ! Nous voici donc repartis pour une série de 12 menus proposés par autant de chefs emblématiques comptant parmi mes préférés du moment. Autant de chefs au cœur de l’actualité la plus épicurienne du pays et qui, pour rappel, nous offrent 4 recettes exclusives chaque mois. En pratique, une recette est mise en ligne chaque semaine en suivant l’ordre chronologique d’un menu (mise en bouche, entrée, plat, dessert) ; de sorte qu’à la fin du mois, ne reste plus qu’à concocter, à la maison, un Menu exclusif à la façon du … Chef du mois de Joëlle Rochette !
En janvier, Nicholas Tsiknakos est le premier chef de l’année à être ici invité mais aussi à faire l’actualité gourmande à Bruxelles.
Nicholas est, notamment, Maître Cuisinier de Belgique (voir interview-portrait ci-dessous), de Suisse et de Grèce ; membre d’Eurotoques, Ambassadeur du bœuf irlandais membre du Chefs’ Irish Beef Club et il est aussi membre de la prestigieuse Académie Culinaire de France.
Débutant l’année 2018 avec une importante actualité, Nicholas a quitté le restaurant Kolya de l’Hôtel Manos où il travaillait depuis sept ans. Toujours dans le quartier de l’Avenue Louise à Bruxelles, il vient de rejoindre et de s’associer à son cousin au Restaurant « Arion ». Un restaurant de style brasserie franco-belge qui, avec l’arrivée de ce chef membre depuis mai 2017 de l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique, devient un restaurant à part entière à la cuisine plus élaborée et dès lors, davantage personnalisée aux multiples talents de son nouveau chef. En autres atouts majeurs des lieux : une atmosphère très chaleureuse, un décor néo-rustique où les murs de briques apparentes sont agrémentés de photographies vintage noir et blanc, différents espaces en trois salles où s’attabler dont une grande terrasse urbaine chauffée.
Plus d’infos suivront, ici même, après une visite très prochaine de cette nouvelle adresse de Maître Cuisinier inscrite sur la liste des toutes premières actualités 2018.
Interview de Nicholas Tsiknakos pour l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique
Nicholas, comment vous est venue cette passion pour le métier de cuisinier ?
A 15 ans, en tant qu’étudiant, je travaillais en salle, dans un hôtel 5 étoiles. J’ai tout de suite aimé l’ambiance, le rythme, l’adrénaline de ce milieu. A l’époque, ma mère et mon beau-père chez lesquels je vivais, rêvaient d’une carrière d’avocat ou de médecin pour moi. Mon beau-père était lui-même, médecin. Je dois dire qu’il a tout fait pour que je change d’avis. Il ne m’a même plus parlé pendant deux mois ! J’ai tout de même persisté et lorsque j’ai demandé pour aller me former en Suisse, il m’a enfin dit que je pouvais faire ce que je voulais. La condition était que je le fasse bien et que je sois passionné par mon métier ; c’était gagné !
Qu’en est-il alors de votre formation ?
A 19 ans, j’ai quitté la Grèce, mon pays d’origine et me suis envolé pour la Suisse où je suis entré à l’Ecole Hôtelière de Lausanne. J’y ai obtenu de très bonnes notes dont, par exemple, un 10 en gastronomie. Très fier, à mon retour en Grèce, j’ai annoncé cela à ma mère qui m’a littéralement envoyé une claque : elle pensait que j’avais obtenu un 10/20 !! Mais cela s’est très bien terminé lorsqu’elle a compris que ma note était cotée sur dix ! J’avais vraiment la note maximale avec un 10/10 ! Au moins cela me laisse quelques souvenirs familiaux amusants.
Votre parcours suisse commence d’emblée sous les meilleures enseignes puis est suivi par d’autres prestigieuses maisons en Espagne et Grande-Bretagne ; quel est-il ?
Après ma formation scolaire, j’ai pu me perfectionner en Suisse (Bern, Luzerne, Zurich) puis surtout aux côtés de grands chefs tels que le cuisinier suisse le plus célèbre en Grande-Bretagne et préféré de la Reine d’Angleterre, Anton Mossimann. J’ai ainsi pu participer à un grand repas de gala pour la Reine d’Angleterre. Nous étions 180 chefs à organiser ce repas pour 6.000 personnes et j’avais pu créer une recette à base de risotto aux champignons sauvages et aux truffes. C’est un fabuleux souvenir ! A Zurich, j’ai aussi travaillé au The Dolder Grand Hôtel 5 étoiles et son restaurant deux étoiles Michelin. A Londres, j’ai poursuivis mon parcours au Fat Duck trois étoiles Michelin de Heston Blumenthal et puis j’ai aussi eu la chance de pouvoir faire la dernière saison de El Bulli avec le chef Ferran Adrià en Catalogne.
Avec le goût du voyage, votre curiosité et ce beau parcours, vous avez aussi participé à plusieurs concours ; quels sont-ils ?
J’ai toujours beaucoup aimé voyager mais aussi participer à différents concours internationaux renommés. Au total, j’ai participé à 18 concours et j’ai obtenu plusieurs reconnaissances. Il m’est arrivé de faire 3 concours par an. J’ai ainsi obtenu le titre de Meilleur Cuisinier de Suisse en 2005 et j’ai participé au Bocuse d’Or 2009 où je représentais la Grèce. Le Bocuse est très dur sans être le plus difficile, ce concours est l’un des plus exigeants au monde tant il requiert de très importants moyens financiers d’abord, techniques spécifiques ensuite.
Comment et pourquoi êtes-vous entré dans l’Association des Maîtres Cuisiniers de Belgique ?
Mon épouse et ma belle-famille étant belges, cela me semblait important, pour moi comme pour eux, d’être reconnu en Belgique en tant que Maître Cuisinier, comme je l’ai été en Grèce et en Suisse. C’est sur le conseil de Patrick Meirsman que ma candidature a été retenue. J’en suis très content car j’aime beaucoup la Belgique et je trouve que les gens y sont très ouverts, très curieux et très accueillants. J’ai aussi beaucoup de plaisir à intégrer à ma cuisine les très bons produits que je trouve à proximité, tout autour d’ici.
Qu’est-ce que l’adhésion à l’association vous apporte ou vous apportera ?
Je n’ai pas rejoint l’association pour que cela m’apporte quelque chose ou pour être connu. Je pense que, pour moi qui suis d’origine grecque, c’est plutôt un honneur que le fait de porter le titre de Maître Cuisinier et que l’association représente le top de la haute cuisine en Belgique.
Justement, défendez-vous les mêmes valeurs que l’association et si oui, lesquelles ?
Oui, bien sûr. Je défends la vraie et bonne cuisine faite avec de beaux produits frais et sans aucun produit congelé. Une cuisine propre et nette essentiellement composée de produits de Belgique. J’aime revisiter les recettes belges et je trouve important d’aider et de respecter les producteurs d’ici avant tout.
Qu’aimeriez-vous apporter à l’association ?
La jeunesse, le regard tourné vers l’avenir mais tout en sachant que je suis là pour aider. Aider à comprendre l’évolution et l’accepter ; aider à faire du neuf mais aussi et toujours du qualitatif. Un maître cuisinier doit pouvoir produire de l’émotion dans l’assiette mais aussi avoir du respect tant pour les producteurs, pour le personnel et, bien sûr, pour les nombreux talents magnifiques qu’il y a ici en Belgique.
Pour vous, de quoi sera fait l’avenir de notre assiette ? Sera-t-il bio, végétarien, très attentif aux allergènes, avec quantité de contrôle sur la traçabilité, etc. ?
Je suis un vrai fan de légumes. Depuis que je suis enfant, je les aime et les cuisine toujours en quantité. Maintenant, la question du bio, par exemple, me laisse perplexe. Je me demande combien de produits sont vraiment issus de l’agriculture biologique ? De plus, il faut vraiment faire la différence entre le bio artisanal et le bio industriel.
Personnellement, j’apprécie toujours davantage un produit réellement bio car il aura toujours plus de goût. Mais, j’ai peur que certains, peu scrupuleux, profitent de la situation ou que d’autres exagèrent en se disant allergiques à tel ou tel produit. Il faut faire attention à ce qui peut être une mode car tout le monde fait la même chose ; cela s’est vu avec le moléculaire, par exemple. Personnellement, je suis très attentif à ce qui bouge, ce qui se passe autour de moi. Il y a, par exemple, un projet de création de ferme d’élevage de poisson et de potager sur le toit de l’abattoir d’Anderlecht que je vais suivre de près !
Question plus personnelle. Si vous aviez la possibilité de cuisiner pour une personne célèbre ou non, historique ou contemporaine, quelle serait cette personne ?
Ce serait pour ma grand-mère ! C’était un rêve pour elle que je devienne cuisinier. Je pourrais lui montrer que j’ai fait quelque chose de ma vie. Et je garderai toujours le meilleur souvenir de son plat de poulet au citron avec pommes de terre qui est un plat traditionnel grec. Ceci dit, depuis que je suis en Belgique j’apprécie aussi beaucoup les fameuses carbonades flamandes de ma belle-mère. C’est un plat que je n’avais jamais goûté avant d’arriver en Belgique et je trouve cela délicieux !
Avez qui aimeriez-vous vous attabler, partager un magnifique repas ?
Avec Paul Bocuse pour qu’il me raconte l’histoire de sa cuisine et si c’était possible ce serait dans sa cuisine que j’aimerais m’attabler avec lui.
Quelles sont vos sources d’inspiration, votre maître à penser ?
Il y a plusieurs personnes, à commencer par mon chef de cuisine de l’école à Lausanne dont j’appréciais avant tout la philosophie. Michel Bra est également un exemple pour moi car j’aime son style et l’importance qu’il accorde aux légumes et puis il y a aussi Ferran Adrià qui est souvent copié mais peu égalé. C’est quelqu’un qui, malgré sa notoriété, n’est jamais arrogant. J’ai de très bons souvenirs avec lui aussi.
Nicholas Tsiknakos – Restaurant Arion – Rue Dejoncker, 54-58 – 1060 Bruxelles – T +32(0)2 538 41 00
Photos : ©Morgane Ball – www.morgane-ball.format.com