Ce dimanche 25 juin, le grand chef français Alain Senderens (Restaurant Senderens, Lucas Carton, l’Archestrate) vient de nous quitter à l’âge de 77 ans. Triplement étoilé depuis 1978, c’est en 2005 qu’il avait fameusement secoué le cocotier de la haute gastronomie française en décidant de « remettre » sa 3e étoile afin de proposer une cuisine plus abordable au plus grand nombre.
Rencontré et interviewé le 2 septembre 2009 à l’occasion de son 70e anniversaire – qu’il fêtait conjointement avec notre célèbre Pierre Wynants – Alain Senderens m’avait expliqué ce qui avait motivé sa décision quatre ans plus tôt.
La prise de conscience du niveau (trop) élevé de ses additions a eu lieu, pour Alain Senderens, le jour où, présent en salle, il remplaça, un bref moment, la responsable de la caisse du restaurant Lucas Carton (son épouse, si ma mémoire est bonne). Ce restaurant qu’il orchestrait depuis 1985 était alors l’un des plus célèbres de France – et même l’un des premiers restaurants gastronomiques de la Ville Lumière (créé en 1839). L’addition qu’il fit alors pour une table de quatre personnes lui paru si élevée, voire même indécente, qu’il décida, sur le champs, de changer les choses. Jamais auparavant, il ne s’était rendu compte que sa cuisine n’était plus du tout à la portée de tous.
C’est ainsi qu’il fût le premier grand chef français à « remettre » ses étoiles et ainsi à baisser ses prix en travaillant des produits qualitatifs mais à tarifs plus abordables. Par la suite, d’autres grands chefs étoilés ont suivi cette voie, pas nécessairement en remettant leur étoile, mais plutôt en créant une seconde adresse, plus accessible et plus démocratique, aux côtés de leur grande maison de bouche. En quelque sorte, Alain Senderens aura aidé les plus inaccessibles cuisines gastronomiques à redescendre sur terre et aura ainsi participé, à sa façon, à l’engouement pour la cuisine bistronomique aujourd’hui plébiscitée de toutes parts.
Ceci dit, pour terminer avec sourire et nostalgie, Alain Senderens en 2009, s’amusa aussi à me raconter que le Michelin n’était pas du tout de son avis et que, bon gré mal gré, en enlevant le 3e macaron au Lucas Carton, il n’était pas question d’aller au-delà : les deux premières étoiles, quant à elles, continueraient à briller sur la célèbre enseigne parisienne.
Aujourd’hui, gageons que ce grand monsieur de la gastronomie française, s’emploie à tutoyer, non pas une ou trois, mais bien les millions d’étoiles venant de l’accueillir sous la plus éternelle des voûtes célestes.