Patron de l’excellent restaurant Senzanome installé depuis quelques mois au Sablon à Bruxelles, Giovanni Bruno est, lui aussi, membre du Jury Benelux Young Chef 2016. Une bonne occasion pour converser avec ce brillant chef italien étoilé qui se montre toujours plein d’empathie et de curiosité pour la nouvelle génération de jeunes chefs. Tout aussi amateur des meilleurs produits italiens qu’il cuisine avec une sobriété évidente, il nous offre trois recettes articulées autour des meilleurs ingrédients de son beau pays méditerranéen.
Au menu des recettes qu’il nous confie : San Daniele et œuf bio, Bar et asperges ou encore délicieuses fraises à la meringue.
Et au programme de notre dernière rencontre, une interview en quelques questions-réponses portant sur le prochain S.Pellegrino Young Chef 2016.
JR : Giovanni, comment avez-vous rejoint le jury Benelux de la compétition Benelux Young Chef 2016 ?
L’an passé, ma seconde y a participé et j’ai trouvé ces rencontres, à travers elle, tout à fait passionnantes. Puis il y a eu ma collabation au Diner de Gala S.Pellegrino pour les 150 ans de Nestlé. C’était le 21 juin dernier au Conseil de l’Europe où il m’a été donné de cuisiner pour 100 personnes. Une autre belle aventure au nom de S.Pellegrino. Une eau à laquelle je suis naturellement fidèle, non par chauvinisme mais parce que je trouve que c’est la meilleure. C’est donc elle que nous servons au Senzanome. Aussi, j’ai donc tout de suite répondu oui lorsque l’on m’a demandé de participer au jury, cela me semblait évident d’en être.
GB : Quel est l’objectif de votre participation ?
Cela me fait plaisir de voir l’évolution des jeunes; cela est déjà un bon but. Ensuite, si je peux leur apporter mes conseils, je le ferai bien volontiers. Les jeunes ont plus d’avantages à faire ce métier actuellement et, grâce à la presse, on sait aujourd’hui ce qu’est ce métier. On repère aussi plus rapidement un jeune qui à un potentiel, qui a un futur dans ce métier. Il y a 40 ans, très peu de chefs passaient à la télévision, le parcours était plus lent pour se faire connaître.
Quels conseils donnerez-vous aux jeunes chefs ?
Ayez une identité propre et surtout : les vraies valeurs en cuisine sont les produits. Il faut aussi avoir l’esprit ouvert, ne pas avoir d’à priori mais aussi ne pas trop en faire. Et puis, il y a l’assaisonnement qui a son importance et enfin le soin que l’on apporte à son travail. Il faut faire les choses convenablement, pratiquer les bonnes cuissons et goûter. Il faut goûter sa cuisine pour mieux l’apprivoiser !
Pensez-vous pouvoir accueillir le candidat sélectionné pour le Benelux et ensuite aller à Milan pour la finale ?
Je suis bien entendu ouvert à l’idée de recevoir au Senzanome le candidat et tous stagiaires volontaires. Ce serait utile que j’aille en Italie; d’ailleurs je suis invité à Milan où il y aura un grand rassemblement des 100 meilleurs chefs italiens dans le monde !
Enfin, que représente pour vous la S.Pellegrino ?
C’est une icône pour l’Italie et j’avoue qu’en tant qu’italien, il n’est pas question pour moi de proposer une autre marque dans mon restaurant. C’est d’ailleurs une marque qui fait beaucoup pour l’Horeca. Notamment avec le classement mondial des meilleurs restaurants, les » SPE 50 Best », avec le concours des jeunes chefs. Très peu d’autres marques mettent ainsi en avant le secteur et sa relève avec les jeunes. J’en suis donc très heureux pour nous tous, restaurateurs.
Merci Giovanni, nous serons heureux de vous voir œuvrer à la bonne relève de ce qui est et reste l’un des plus baux métiers au monde !
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Rappel d’une interview précédente faite, en août 2015, à l’occasion de l’ouverture du restaurant au Sablon
Senzanome, une petite entreprise familiale
Une première visite du tout nouveau Senzanome, avec découverte du menu dégustation (6 services – 90 €) nous aura donc donné l’occasion à la fois de découvrir les lieux mais aussi et surtout de pouvoir reparler avec Giovanni et Nadia de leur parcours familial et de leur restaurant Senzanome.
Giovanni Bruno, de la cuisine traditionnelle aux préparations personnalisées
Arrivé en Belgique avec sa famille dans les années 70, c’est dès lors que les Bruno ouvrent un restaurant sicilien dans lequel le petit Giovanni apprendra son métier de cuisinier. Le restaurant connaîtra plusieurs adresses et fin des années 70, alors que ses parents retournent en Sicile, c’est Giovanni qui reprend l’enseigne familiale. Peu avant d’ouvrir le Senzanome avec sa sœur Nadia, Giovanni orchestrera également le Fellini de la Place du Châtelain. Senzanome ouvre alors ses portes en 1997 avec Giovanni en cuisine et Nadia en salle. La réputation de l’enseigne se fera bientôt connaître bien au-delà des limites Schaerbeekoises, voire même bruxelloises, grâce non seulement à un bouche à oreille efficace mais aussi et surtout, grâce à quelques récompenses valorisantes (Bib gourmand, étoile Michelin 2004, Meilleur restaurant italien hors Italie, Meilleur italien de l’année 2012 au Gault&Millau).
Le 10 juillet dernier, après quasi deux ans de travaux et autres négociations avec les autorités locales, le Senzanome vient de prendre ses nouveaux quartiers au Sablon. Bénéficiant enfin d’un lieu digne de sa cuisine, Giovanni est aujourd’hui heureux de ce nouvel outil qui, à lui seul, représente un fameux investissement. Et c’est bien volontiers qu’il éclaire notre curiosité sur toutes ces nouveautés.
JR : Comment avez-vous trouvé ce nouvel établissement ?
GB : « C’est par hasard dit-il, que j’ai entendu parler de cet emplacement. Un voisin qui connaissait notre souhait de déménager m’a renseigné cette maison qui avait été occupée par un pop-up store Côte d’Or et avant cela par le restaurant bien connu Marius en Provence. C’est d’ailleurs grâce à ce restaurant que j’ai pu y installer le mien car actuellement, au Sablon, il n’y a plus moyen d’obtenir une autorisation pour l’ouverture d’un restaurant, ajoute-t-il avec bonheur. »
Votre cuisine a-t-elle également un changement depuis que vous êtes au Sablon ?
« Ma cuisine est à la fois personnelle et faite de grands classiques de notre cuisine familiale d’origine sicilienne. Beaucoup de plat, même s’ils sont adaptés à ma façon de faire, s’inspire de ce que nous faisons en Sicile et de ses produits. Il y a, à la carte, quelques incontournables que mes clients ne me laisseront jamais enlever (le bar au four, par exemple) et puis il y a des menus qui apportent une autre dimension à la découverte de ma cuisine. »
En 2004 vous avez reçu l’étoile au Michelin ; qu’est-ce que cela vous a apporté ?
« Cela a fort élargi la visibilité du restaurant. Parallèlement, l’étoile m’a apporté une reconnaissance dans le métier de la part de mes confrères. J’ai ensuite été invité à participer à différents événements comme « Dinner in the Sky » et comme je suis passionné par mon métier et intéressé par tout ce qui s’y rapporte, j’ai volontiers participé à ce genre de rencontre. Ceci dit, je ne peux y participer que lorsque je suis fermé car je tiens à rester constamment présent dans ma cuisine. Ce type de rencontre, comme Dinner in the Sky est aussi une bonne occasion pour mes clients fidèles d’être face à moi pendant que je cuisine ; ils y viennent nombreux et nous avons ainsi plus de temps pour parler pour nous voir dans un contexte plus facile. »
Vous attachez beaucoup d’importance aux produits que vous cuisinez ; quels sont vos fournisseurs ?
« Des italiens, siciliens et des belges qui peuvent me fournir des produits de niche venant d’Italie. Et depuis que je suis au Sablon, il y a un voisin antiquaire qui cultive des tomates et des herbes aromatiques sur son toit et qui me les a proposés. Il est aussi au marché du jeudi sur la Place du Sablon et comme vous pouvez le constater ses produits sont très goûteux et développent de superbes parfums. Je suis très heureux de cette nouvelle rencontre. Pour les vins, avec mon sommelier nous faisons une carte qui met l’accent sur le vignoble italien le plus souvent possible. »
Si vous deviez identifier la plus grande joie de votre parcours, de votre carrière, quelle serait-elle ?
« Ce qui m’apporte le plus de joie, c’est le fait d’être récompensé par et pour mon travail. Celui-ci est reconnu un peu partout et comme il représente ma passion, j’en suis très content. Tout ce que cela implique comme les articles, l’étoile, les cotations dans les guides gastronomiques sont pour moi de grandes joies. »
Et votre plus grande déception ?
« Je n’en n’ai pas vraiment si ce n’est celle d’avoir eu des difficultés à m’installer ici au Sablon. La longueur de temps et le coût de l’installation ; les difficultés administratives, l’état de la maison qui était lamentable quand nous sommes arrivés … tout cela a été extrêmement laborieux et je ne peux m’empêcher de penser que cela aurait pu se faire plus vite. D’autant que lorsque nous avons annoncé que nous allions quitter Schaerbeek, nous avons à peu près perdu 30 % de notre clientèle et cela c’est une vraie déception. Heureusement, les fidèles reviennent déjà et nous sommes, après presque trois semaines d’ouverture, quasiment complets tous les jours. J’ai aussi le bonheur d’avoir déjà vu des amis confrères comme Eric Martin ou Kamo venir s’attabler dans notre nouvelle maison et cela me fait grand plaisir ! »
Senzanome – Place du Petit Sablon, 1 – 1000 Bruxelles – T 02 223 16 17 – www.senzanome.be