Nouveau venu dans la sphère des restaurants contemporains haut de gamme, le très classieux « Brugmann » se montre, dès les premières heures, digne héritier d’une tradition hospitalière de prestige très subtilement remise au meilleur goût du jour.
Elégance, classe et sérénité mais aussi patrimoine architectural préservé, c’est un petit bout de l’histoire de Bruxelles qui se cache derrière cette sobre façade qui fût la demeure bruxelloise de l’homme d’affaire et mécène Georges Brugmann. Ce même Brugmann que l’on connaît mieux aujourd’hui pour avoir donné son nom à l’un des hôpitaux les plus emblématiques de la ville (dont l’architecte n’était autre que Victor Horta) ou encore à la notoire avenue sur laquelle trône ce bel hôtel particulier devenu, à son tour, restaurant éponyme.
Une maison de maître dont la magnifique terrasse à l’arrière donne sur le petit Parc de l’Abbé Froidure (ancien jardin privé de la villa) et qui, pour la première fois, ouvre ses portes au grand public en devenant restaurant. Nous nous souvenons qu’auparavant, la maison avait été occupée par la Food & Wine Academy créée par Eric Boschman et Christelle Verheyden et bien avant cela encore, par la Région de Bruxelles-Capitale et la Commission des Monuments et Site.
Voici donc désormais, ce qui est présenté par beaucoup comme le dernier lieu « tendance » de la Capitale. Un peu réducteur, pour cette maison chargée d’histoire et d’élégance faisant partie intégrante de notre patrimoine architectural bruxellois. Et quand bien même ce sont des propriétaires français qui lui donnent à nouveau vie en y créant un véritable QG épicuriens pour leurs compatriotes résidant à Bruxelles, il ne faut pas oublier de porter un minimum d’attention à ce riche passé pour mieux en apprécier la réhabilitation actuelle.
Venons-en donc au fait et surtout à ce restaurant qui, en ce qui nous concerne, nous aura d’emblée et en tous points séduits. Son nouvel aménagement signé par la décoratrice d’intérieur Annie Mesmin est, à nos yeux, une première très belle réussite. Seul le rez-de-chaussée de la bâtisse étant actuellement occupé par le restaurant, celui-ci s’ouvre sur un hall d’entrée aux superbes luminaires contemporains. A droite, un joli salon (Le Boudoir) restauré à l’identique et où l’on aimerait être d’office dirigé pour prendre l’apéritif lorsque le temps ne permet pas d’accéder directement à la terrasse. Avant celle-ci, le grand salon est la salle de restaurant principale sur laquelle donne la cuisine ouverte. Le Grand Salon est donc le cœur de la maison et sa décoration est, elle aussi, très réussie. Banquettes et fauteuils de velours bordeaux ou vert bouteille, nappage blanc, montages floraux originaux et toiles contemporaines sont autant d’atouts pour se sentir parfaitement bien ici.
En grand atout estival, une vaste terrasse fait déjà courir le « tout Bruxelles » soucieux de se faire voir et de découvrir le dernier endroit à la mode ! Dommage que cette première réputation précède la qualité de la rénovation et même et surtout, celle de la cuisine.
Car de cuisine, il nous faut bien sûr parler maintenant. Une cuisine qui, elle aussi, présente un nouveau (re)venu en Belgique, en la personne du chef belge, Matthias Van Eenoo. D’origines belges, ce jeune chef issu d’une famille de restaurateurs affiche un parcours attrayant dans de grandes maisons françaises. Ainsi, il a travaillé au Lucas Carton** à Paris (Alain Senderens), au Relais & Château Le Mas Candille* à Mougins (Serge Gouloumes) et à l’Opéra Garnier** (Yann Tanneau et Christophes Aribert). De belles références dont on retrouve de subtiles traces dans la carte et surtout dans les excellentes sauces du jeune chef.
Agréable, légère, raffinée et résolument saisonnière, la cuisine de Matthias Van Eenoo fait plaisir à voir et à goûter. Comme il se doit, le chef joue avec la saison en cours et changera sa carte à chaque changement de celle-ci.
Pour l’heure, il aura séduit nos papilles avec, en mise en bouche, une raviole de foie gras et sa sauce à l’orange et aux fruits secs. Avec en première entrée, un vrai must, qui pourrait déjà faire office d’entrée signature, une langoustine croustillante au chou pak-shoi et sauce thaï.
Tout aussi réussi, le saumon fumé maison avec sa gaufre et son délicieux sorbet au fenouil offrait un parfait rapport qualité-prix (17 €) alors que le foie gras aux fraises et sirop d’érable est, quant à lui, plus surprenant par cette singulière association même si un rien trop sucré à notre goût.
Rien à redire quant à la fraîcheur ou à la saveur du turbot rôti car assez créatif lui aussi, il est ici accompagné d’une subtile émulsion de parmesan. De saison mais un peu moins convaincant, l’agneau (assez fade) était présenté en croûte d’herbes avec mousseline de carotte à la citronnelle, boulgour aux fruits secs et jus au romarin.
Là où l’on ne peut nier notre plaisir, c’est quand arrive un pré-dessert fait d’un sorbet aux herbes, chartreuse verte et crumble ! En dernier délice, le biscuit moelleux aux noisettes, yuzu et sorbet citron appelé Excellence Citrus portait à merveille son nom et cachait bien le tout aussi talentueux pâtissier qu’est Quentin Callier que nous avons connu à la Villa Lorraine et dont nous présenterons l’interview, ici même, très prochainement.
Autre beau monde aux côtés de Matthias Van Eenoo, outre une brigade et un personnel de salle assez jeune mais efficace, un très bon sommelier passé par chez Pierre Gagnaire aux Airelles (Courchevelle), au Royal à Evain ou encore chez Lasserre à Paris. Un homme heureux lui aussi puisqu’il gère une cave composée de 1500 bouteilles dont 120 références et plusieurs grands crus servis au verre mais aussi de cognacs dont certains affichent 100 ans d’âge !
Comme quoi, pour nous comme pour beaucoup d’épicuriens déjà, au Brugmann en cette saison et pour son ouverture, le seul fleuron n’est pas que la superbe terrasse dont tout le monde parle en ville !
Adresse : Avenue Brugmann, 52/54 – 1190 Bruxelles – T 02 880 55 54 – www.brugmann.com Photos : ©Morgane Ball – sauf photos terrasse & extérieur (« Brugmann »)